Il n’y a plus en moi la fierté d’être Français. Elle a disparu hier soir à 22 heures, doucement, sans bruit, comme s’en va le soleil derrière un nuage. Je doute que l’éclaircie soit pour demain!
Comment en suis-je arrivé là? très simplement et surtout beaucoup plus vite que je ne l`aurais jamais imaginé.
Tout a commencé en avril 2002 quand je vois que beaucoup de mes compatriotes votent pour le mal, celui qu’on croyait avoir mis à la porte en 1945, celui avec qui l’on pensait en avoir fini! Le mal à qui les medias donnent la parole, celui que l’on banalise comme Hitler le fut...Celui qui incarne et charrie dans son sillage le négationisme, le racisme, la lâcheté,
l’agressivité, le populisme malsain, la peur des autres tout simplement (qu’il s’agisse du maghrébin hier ou du polonais aujourd’hui) et tous ces maux qui ont fait de l’Europe un champ de ruines et de nos grands-parents des survivants. Combien de Françaises et de Français, en oubliant bien vite le passé, se sont-ils empressés de propulser cette gangraine à l’Elysée? Car il s’agit bien d’une gangraine qui rogne la démocratie de mon pays. Cette maladie qui ne laisse aucun répit à sa victime; cette maladie qui, non contente d’attaquer l’essence même de ma patrie, en profite pour faire remonter à la surface les odeurs nauséabondes d’un nationalisme primaire et vénéneux. Mon dégout est apparu en avril 2002. Et il n’a cessé de croître depuis.
Cela fait bien longtemps que je ne vis plus en France mais je gardais cette pointe de chauvinisme (surtout lors des rencontres sportives) et cette arrogance typiquement de chez nous.
Eh bien, c’est fini! Basta! J’ai jeté le bébé avec l’eau du bain et, passé les petits pincements au coeur du début, je n’hésite plus une seule seconde à critiquer cette France qui se veut être une grande puissance mais n’en a plus ni les moyens, ni l’envie, ni le courage humain et politique. S’il ne s’agissait encore que de puissance, cela ne serait après tout qu’une question de fierté mais c’est plus que cela...bien plus profond et insidieux. Un savant mélange d’archaïsme vénéré, de peur infantile de l’avenir, d’endoctrinement, de laxisme à haute dose...Bref une société qui ne sait pas et ne veut pas évoluer et qui est prête à sacrifier ses générations futures sur l’hôtel de la lutte des classes. En France, qu’il est bon de se gargariser de cols bleus et blancs, de drapeaux rouges...Comme c’est à la mode de parler aux ouvriers, de cracher sur les employeurs, d’opposer travail et mérite...Il est ensuite aussi très facile de critiquer les progrès de la doctrine créationiste aux USA. Encore faudrait-il admettre que les néo-conservateurs n’ont pas le monopole de la manipulation! Ma France est malade. Je ne la reconnais pas, je ne la comprends pas et ... je ne cherche plus à la comprendre. Le bateau Europe a pris la mer il y a près de 50 ans. La France a sauté à l’eau... En ce qui me concerne, elle peut bien couler...Cela ne me fera plus ni chaud ni froid. Peut-être qu’après tout, il y a
bien une vieille Europe...celle ou les vieilles pierres ne sont pas les seules à survivre!
Jérôme Remy, Eindhoven, 30 mai 2005